On apprenait ce printemps que des chercheurs avaient pour la première fois découvert des microplastiques dans le sang humain. Des 22 échantillons de donneurs anonymes analysés dans le cadre de l’étude, 17 en contenaient, soit un peu plus de 80%. Les microplastiques, présents dans l’eau, se retrouvent dans la chaîne alimentaire; d’autres études ont par exemple démontré leur présence dans le sel marin qu’on utilise pour assaisonner nos plats.

Le problème de la présence du plastique dans les océans ne date pas d’hier. C’est à raison de 8,8 millions de tonnes que le plastique y est rejeté négligemment chaque année. Des études récentes estiment qu’il y aurait quelque cinq mille milliards de morceaux de plastique flottant dans les mers. Le chiffre dépasse l’entendement. De ces détritus à la dérive, les filets de pêche sont parmi les polluants plastiques les plus nocifs, tuant ou blessant sérieusement plus de 650 000 animaux marins chaque année. 

Sensible à ce problème et globalement très engagée envers l’environnement, Patagonia s’applique à faire sa part. En collaboration avec la compagnie californienne Bureo, la marque recycle des filets de pêche et les transforme en un matériau nommé NetPlus, recyclé et traçable à 100%. Voici la petite histoire d’une démarche environnementale inspirante se déroulant sur la côte ouest des Amériques, entre le Chili et la Californie. 

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Talcahuano, Chili

Les filets de pêche en plastique n’ont pas d’alternative viable. Et les pêcheurs ayant un accès restreint – ou pas d’accès du tout – à des infrastructures de gestion des déchets, les filets sont malheureusement la plupart du temps laissés à l’eau lorsque désuets. Alors qu’ils étaient autrefois faits de matériaux naturels biodégradables, les filets sont fabriqués en plastique depuis une quarantaine d’années. Plus légers, plus résistants et plus faciles à réparer, ces derniers prennent par contre des centaines d’années à se décomposer, dégradant les milieux marins mêmes que les pêcheurs exploitent. 

Lorsque les cofondateurs de Bureo réalisent en 2013 que ces filets sont faits d’un matériau brut hautement recyclable, c’est une révélation – et ils savent exactement à qui s’adresser. En effet, Patagonia est toujours à la recherche de nouvelles manières de réduire son utilisation de matériaux plastiques vierges issus de la transformation du pétrole. Les filets de pêche sont parfaits: le matériau qui les constitue a complété un cycle de vie utile dans sa première incarnation, et on lui donne un nouveau départ en le transformant en tissu et en visières de casquettes

Le fonctionnement est somme toute simple: Bureo crée des liens avec des communautés côtières vivant de la pêche partout en Amérique du Sud et achète leurs filets devenus inutilisables. La compagnie emploie des travailleurs locaux pour trier, nettoyer et empaqueter les filets récupérés, puis ils sont expédiés vers le partenaire de la compagnie dans le sud du Chili, qui en fait le recyclage. C’est là que les filets sont transformés en un matériau brut pouvant remplacer le plastique neuf.

Le programme a permis jusqu’à maintenant d’éviter que des centaines de tonnes de filets soient laissées derrière dans l’océan, en plus d’offrir des emplois et des revenus supplémentaires aux communautés qui y participent. 

Ventura, Californie

Depuis 2016, Patagonia soutient le développement du matériau NetPlus de Bureo. Aujourd’hui, il est utilisé non seulement dans ses casquettes, mais aussi dans ses manteaux et, à compter de cette saison, dans les célèbres shorts Baggies (homme; femme).   

Par la transformation des filets de pêche, c’est 149 tonnes de plastique que Patagonia a empêché de contaminer les océans. Du propre aveu de la marque, les visières de casquettes étaient une utilisation évidente du NetPlus, et facile à réaliser. Les développeurs de la compagnie ont toutefois travaillé conjointement avec des partenaires de sa chaîne d’approvisionnement afin de trouver des façons de transformer chimiquement le plastique des filets en tissu de haute qualité, pouvant être utilisé dans la confection de vêtements. Suite à ces efforts, des tonnes de filets supplémentaires ont été transformées en tissu depuis l’automne 2021. 

Au total, c’est plus de 400 tonnes de filets de pêche que Patagonia a recyclés. La marque a l’intention de continuer à les incorporer dans encore davantage de ses produits dans les années à venir. 

Durant des générations, les filets de pêche usés, déchirés et irréparables ont été abandonnés dans l’océan. À tel point que ces filets constitueraient aujourd’hui près de 10% du volume du plastique que l’on y trouve.  

L’utilisation des matériaux bruts extraits des filets de pêche devenus inutilisables réduit la consommation de plastique vierge, tout en évitant de polluer l’eau davantage. Et en prime, le processus contribue à la croissance de l’économie locale des communautés côtières qui y participent, tout en aidant à ce que les milieux marins exploités par les pêcheurs locaux demeurent plus sains. 

Un bel exemple de circularité.